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Le tatouage à travers les peignes à tatouer, uhi

DATE(S) : 20 avril 2020 - 29 avril 2020
HORAIRES : Pas d'horaires

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Le tatouage était particulièrement présent en Océanie. On en retrouve les traces chez les anciens peuples de langues austronésiennes, dont les Lapita.

Les ancêtres des Polynésiens le pratiquaient avant de peupler nos îles : ainsi des peignes à tatouer en os aux îles Tonga ont été datés d’il y a 2700 ans[1]. Les reconstitutions linguistiques du Proto-polynésien (*PPN) démontrent que le terme associé au tatouage, *tatau, existait ; aujourd’hui encore, tatau est usité dans la plupart des langues polynésiennes[2]. C’est d’ailleurs le terme polynésien qui a permis de créer ce mot dans les langues européennes, à partir du 18e siècle : « tatouage », « tattoo », « tätowierung », etc. Le mot uhi désigne le peigne à tatouer plus spécifiquement en Polynésie orientale (Tahiti, Tuamotu, Rapanui, Aotearoa).

En Polynésie orientale, les traces les plus anciennes du tatouage sont connues dans les niveaux d’occupation datés d’entre 1200 et 1350 après J.-C., mais on peut supposer qu’il existait dès la période du peuplement des îles.

Des peignes à tatouer en nacre et en os ont ainsi été mis au jour sur les sites de Hane à Ua Huka[3], et Ha’atuatua à Nuku Hiva aux Marquises. Aux Îles de la Société, le site de Vaito’otia-Fa’ahia à Huahine, et celui de Taitapu-Rivnac à Tahiti[4] ont livré chacun un petit peigne en nacre.

Le Musée de Tahiti et des Îles conserve ainsi 11 peignes à tatouer dans ses collections, provenant de ces découvertes.

Fig. 1, 2, 3. Peignes à tatouer en nacre du Musée de Tahiti et des Îles (à gauche et au centre, site de Hane ; à droite, site de Vai’ototia).

 

Les peignes en nacre (Pinctada margarifera) connus sont tous anciens, car à partir du 15e siècle, l’usage de ce coquillage pour ces outils semble avoir disparu, de même que la conception des ailettes servant à leur attache : on ne les retrouve plus dans les sites archéologiques enfouis, et aucun témoignage n’en fait mention pour la période du Contact, au milieu du 18e siècle[5].

A cette époque, les maîtres tatoueurs utilisaient des peignes en os, en écaille de tortue (Marquises), en dents de requin et de barracuda, aux Tuamotu notamment. Les peignes composites apparaissent aux Îles de la Société et à Hawaii, plus solides à l’usage. Ils sont absents aux Australes et à Aotearoa, où persistent les peignes simples larges. Ces différences impliquent des variations régionales qui ont dû se répercuter sur les répertoires de motifs(5).

Ainsi, les os d’animaux ont servi à confectionner ces peignes à tatouer : les trois exemplaires découverts dans le site de Vaihi- Apo’oiti à Ra’iatea, daté du 13e siècle après J.-C., ont été taillés dans de l’os de chien. Ils sont associés à quatre ébauches inachevées de peignes, et à des mandibules de chiens en partie travaillées[6]. La partie de l’os du menton, légèrement courbée (concave et convexe) semble avoir offert un bon matériau de base.

 

 

 

 

 

 

 

FIG.4, 5. Les peignes à tatouer en os de chien du site de Vaihi

 

Le tatouage était également pratiqué aux Australes, malgré des témoignages d’observateurs du 18e siècle affirmant ne pas en avoir vu, par exemple James Morrison à Tupua’i en 1789. Mais la pratique du tatouage est attestée sur cette île, puisque les archéologues ont retrouvé des peignes à tatouer en os et en nacre, sur le site de Atiahara[7].

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

FIG. 6, 7, 8. Peignes n°78.03.63 et 78.03.60, ancienne collection Hooper, collectés aux Îles de la Société, 1821-1824.

Ces trois peignes à tatouer, uhi, emmanchés ont été collectés par Georges Bennet de la London Missionnary Society entre 1821 et 1824. Ils faisaient partie de la collection James Hooper, et ont été acquis par le Musée en 1978. Les peignes sont taillés dans des os, probablement d’oiseaux, d’une seule ou de deux pièces assemblées (« peignes composites »), et attachés à l’aide de fines cordelettes de fibre végétale ; les manches sont sculptés dans le bois de fer, aito (Casuarina equisetifolia).

Vous pourrez les admirer dans l’exposition Tupuna Transit jusqu’au  11 octobre.

 

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[1]Clarck, G., Langley, M.C. 2019. « Ancient Tattooing in Polynesia ». The Journal of Island and Coastal Archaeology, https://doi.org/10.1080/15564894.2018.1561558.

[2] Base de données linguistique Pollex en ligne : https://pollex.shh.mpg.de/search/?field=protoform&query=tatau

[3] Sinoto, Y., Kellum, M. 1965 – Preliminary Report on Excavations in the Marquesas Islands, rapport B.P. Bishop Museum Polynesian archaeological Program.

[4] Eddowes, M.D., Dennison, D., 1996, Sauvetage archéologique du site de Taitapu – Rivnac. Bulletin de la Société des Études Océaniennes N° 272 : 3-13. http://anaite.upf.pf/items/show/854

[5] Molle, G., Conte, E. 2013 « Peignes à tatouer en nacre polynésiens. Un moyen d’appréhender la pensée technique », Journal de la Société des Océanistes n°136-137. https://journals.openedition.org/jso/7019

[6] Semah, F., Ouwen, H., Charleux, M. 1978 « Fouilles archéologiques sur Raiatea : Vaihi », Rapport ORSTOM et Musée de Tahiti et des Îles, Papeete.

[7] Hermann, A. 2013. Les industries lithiques pré-européennes de Polynésie centrale. Savoir-faire et dynamiques techno-économiques. Thèse de Doctorat, Université de la Polynésie française. (citant les travaux non publiés de M. Eddowes et R. Bollt sur Atiahara).

 

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