Dans nos archipels, les pirogues de grande taille étaient généralement doubles ou à balancier. Dotées d’une proue et d’une poupe, elles se déplaçaient dans un seul sens.
Elles servaient à naviguer au-delà de la barrière récifale, pour pêcher les grands poissons, transporter les guerriers ou entreprendre des traversées entre les îles. Les pirogues de taille plus modeste, utilisées pour la pêche lagonaire et le transport, étaient à simple balancier et propulsées à la pagaie ou à la voile.
Les pirogues de haute mer à voile de haute mer ont disparu peu de temps après la colonisation. Les missionnaires puis les gouvernements coloniaux décrétèrent, d’une part, leur interdiction afin de pouvoir contrôler la circulation des personnes et des biens. De l’autre, les Polynésiens se sont rapidement tournés vers des moyens de transport plus modernes.
Quelques pirogues lagonaires à voile ont survécu aux îles Australes et Sous-le-Vent, en raison de la taille importante de leurs lagons et de leur éloignement de Tahiti, cœur principal de l’évangélisation et de la colonisation. Là, les grandes pirogues doubles à voiles, pahi, tipaerua, ont toutes disparues au tout début du 19ème siècle. Seules les pirogues à balancier à voiles, va’a motu, ont continué d’être utilisées, servant principalement dans les lagons.
Lors des premières festivités organisées par le gouvernement colonial à partir de 1850, l’administration décida de remettre au goût du jour les pratiques ancestrales des défis entre guerriers, remaniées à la manière des fêtes occidentales. Apparurent alors les courses – très réglementées – de pirogues à rame et à voile.
Les pirogues à voiles modernes des îles de la Société .
Les va’a motu, pirogues à voiles et à balancier d’une dizaine de mètres qui naviguaient encore à la fin du XVIIIème siècle, furent remplacées au cours des années 1820 par les pahī. Résultat d’une évolution influencée par la culture européenne, le terme de « pahī » était auparavant attribué aux grandes pirogues doubles des Tuamotu, et à celles des îles de la Société dont la poupe et la proue étaient relevées. Il désignait également les navires européens.
Si les va’a motu servaient au transport inter-îles et à la pêche des espèces pélagiques, les pahī, légèrement plus petits, étaient essentiellement voués à la pêche et leur usage ne dépassaient pas quelques dizaines de milles marins.
L’évolution la plus significative concerna la voile, ‘ie. Si les va’a motu anciens avaient une voilure propre à l’archipel de la Société, leur structure de « voile triangulaire simple » était commune à toute la Polynésie orientale.
Les techniques de fabrication ne changèrent pas immédiatement : les éléments de la coque étaient assemblés par des ligatures de nape, bourre de coco tressée, de part en part et le calfatage avec de la bourre de coco imprégnée de résine d’arbre à pain cuite. Les matériaux étrangers : clous, cordages, et toile pour la voile, firent progressivement leur apparition.
La coque que nous possédons a été donnée au Musée de Pape’ete en 1931. Creusée dans un tronc de bois de tāmanu (Calophyllum inophyllum), essence de bois parmi les plus appréciées pour la construction des coques de pirogues, elle mesure 7 mètres de long.
La pirogue de laquelle elle provient aurait appartenu à la famille Pōmare de ‘Ärue, et au Prince Hīnoi en particulier. Elle porte le nom de Pua’a-ta’a-‘ino et aurait servi à la Reine Pōmare IV pour ses promenades. Le vieux pêcheur qui en eut finalement la garde naviguait jusqu’aux environs de Teti’aroa, une distance qui implique l’existence d’une voile aujourd’hui perdue. C’est aussi le cas du flotteur et des deux traverses de cette pirogue à voile typiques de celles construites à partir de la première moitié du XIXème siècle.
Nous vous recommandons pour approfondir ces données, la lecture de l’article « La construction navale polynésienne traditionnelle. Dimension culturelle d’un processus technique », Techniques & Culture – de Hélène Guiot pour en apprendre plus, ainsi que l’ouvrage ‘ Va’a, la pirogue polynésienne’ co-édité par le Musée de Tahiti et des Îles et Aux vents des Îles.