Nous vous proposons aujourd’hui d’évoquer l’exposition « TAPA d’hier et d’aujourd’hui » qui s’est déroulée de novembre 2014 à février 2015, au Musée de Tahiti et des îles – Te Fare Manaha, conçue en co-commissariat par Michel Charleux et Tara Hiquily.
Plus d’une cinquantaine de tapa océaniens étaient présentés au public. Originaires de Wallis et Futuna, de Polynésie française, des Tonga, des Samoa, des îles Cook, de Hawai’i, Rapa Nui, Pitcairn, du Vanuatu, de la Papouasie Nouvelle-Guinée, de Fidji ou encore de Nouvelle-Calédonie, ces tapa exposés étaient, pour certains, très anciens (fin du XVIIIe voire du début du XIXe siècle), plus récents pour d’autres. Ces pièces, extraites des réserves du Musée et de diverses collections privées, dont celles de la Délégation de Wallis et Futuna en Polynésie, étaient pour la plupart exposées pour la toute première fois au public.
Suite à cette exposition, Michel Charleux entreprit la publication d’un ouvrage collectif remarquable dédié au TAPA, une somme d’articles de spécialistes de cette étoffe végétale largement utilisée en Océanie, mais également dans de nombreuses cultures.
Nous vous proposons de redécouvrir ci-dessous un de ses textes. L’occasion pour l’équipe du Musée de rendre hommage à ce chercheur passionné disparu en octobre 2018 et dont l’une des vocations était la transmission.
« TAPA D’OCEANIE D’HIER ET D’AUJOURD’HUI »
Inaugurée il y a un peu plus d’un mois avec le faste que l’on sait, l’exposition « Tapa d’Océanie d’hier et d’aujourd’hui » présentée au Musée de Tahiti constitue une invitation à la découverte et au voyage.
Découverte d’un matériau que d’aucuns ont baptisé « L’étoffe des Dieux » du fait même des mythes qui accompagnent sa création et des usages religieux qui en ont été faits dans les cultures de l’Océanie.
Etoffe végétale fabriquée par battage de la partie interne de l’écorce d’un nombre limité de plantes, le tapa trouve ses origines il y a 7000 ou 8000 ans en Asie du Sud-est, berceau aujourd’hui reconnu du peuplement du Pacifique.
D’étape en étape, au cours des siècles, la technique, tout en conservant ses grands principes de base, a sensiblement évolué et s’est affinée : les rudimentaires et grossiers battoirs en pierre de l’origine ont cédé la place à de jolis battoirs en bois dur finement rainurés, qui caractérisent le Pacifique. Jusqu’à produire des tapa n’ayant rien à envier aux plus beaux tissus importés : finesse extrême, décors géométriques ou floraux raffinés, teinture, parfum,…
Parmi « les outils du tapa » sélectionnés pour l’exposition, on ne pourra manquer le battoir à tapa mis au jour à Huahine en 1977 par le Prof. Sinoto, preuve indiscutable d’une activité remontant au IX-XIIIème siècle. Trois superbes battoirs à tapa ayant appartenu à la Reine MARAU (1839-1891) sont présentés pour la première fois au public grâce à Mme N. DELEATER, ainsi qu’une matrice kupesi en spathe et nervures de cocotier qui permettait à Fidji la reproduction à l’identique d’un motif décoratif.
Le tapa est un matériau fragile et il est interdit de toucher aux pièces exposées. Pourtant, à proximité des planches botaniques trois échantillons de tapa brut non-amidonné, réalisés par nos artisans des Marquises à partir d’écorce de aute, uru et ora sont là, justement pour être palpés, touchés, autant qu’on le souhaite, juste pour en apprécier la matière, la souplesse, la douceur.
A travers des pièces de tapa originales, souvent uniques, provenant d’une dizaine d’archipels d’Océanie, le visiteur part pour un grand voyage depuis la West Papua indonésienne jusqu’aux extrêmes sommets orientaux du triangle polynésien : Hawai’i et Rapa Nui. Grands tapa vierges insoupçonnés des Marquises, larges tapa anciens ou plus récents des Samoa ou des Tonga aux motifs royaux, gigantesque tapa de Wallis de 42m de long attestant du maintien des traditions culturelles dans la vie quotidienne d’aujourd’hui, tapa inattendus de Pitcairn dont beaucoup ignoraient jusqu’à l’existence il y a encore peu, les motifs de s’émerveiller sont nombreux.
Parmi les visiteurs, il y a ceux qui s’attacheront aux usages, aux différences entre les archipels, mais l’exposition ne décevra pas les esthètes qui découvriront les multiples motifs qui ornent les pièces. Suivant leurs critères purement personnels – la beauté est une appréciation subjective – ils apprécieront telle ou telle pièce plus que sa voisine. Mais qu’on ne s’y trompe pas ! Les motifs qui ornent les tapa n’ont pas qu’un rôle de décor. Propriété d’une famille, d’un groupe, d’un clan, ils sont chargés de symboles qui font la richesse des cultures du Pacifique.